Aux origines de la musique Malgache

Etude raisonnée et folklorique

Robert Rason*

*Organiste et Maître de Chapelle de l’église saint Jean Baptiste Faravohitra, Professeur de musique à l’Ecole Municipale de Tananarive.

 

Il ne nous appartient pas de discuter ni de commenter ce point si délicat qu’est la priorité de la musique sur les autres arts. Abandonnons ce soin à des esprits plus éclairés. Pour nous, inspiré seulement par l’amour de cet art et le désir de faire connaître l’évolution de la musique malgache à Madagascar, nous nous risquons à entreprendre cette étude. Elle ne laisse pas, on nous le concèdera, d’être très ardue, en raison de la rareté de documents dans lesquels il eût été possible de puiser.

La musique étant l’expression fidèle de tous les sentiments éprouvés par le cœur de l’homme dans les diverses circonstances de la vie, ce modeste travail montrera comment le peuple malgache justifie à sa manière cette exacte définition.

Le lecteur s’étonnera, peut-être, de ne trouver ici ( alors qu’il n’ignore pas l’étendue de la grande île et ses quelques vingt tribus) qu’une étude consacrée exclusivement à la musique hova et betsimisaraka. Il nous excusera lorsque nous lui aurons dit que les hova et les betsimisaraka ont toujours eu des dispositions musicales remarquables  et que leur musique a fait tache d’huile sur Madagascar. Quant aux autres peuplades plutôt frustres  et guerrières dont toutes les réjouissances consistaient en des ringas, sorte de danses rythmées par le battement des tam-tams, elles ne tardèrent pas à subir l’ambiance des chansons hova et betsimisaraka et à les adopter à leur manière.

En 1930, nous eûmes la bonne fortune de pouvoir nous entretenir avec un vieillard malgache de cent trente ans. Bien qu’il soit mort depuis de nombreuses années, nous nous souvenons parfaitement de lui et de sa conversation tellement instructive ? Ce respectable doyen jouissait encore merveilleusement de toutes ses facultés intellectuelles et sut nous raconter dans un style archaïque fort intéressant les us et coutumes des anciens temps.

Nous lui devons bon nombre de documents que nous avons utilisés au cours de cette étude.

A notre humble avis, la musique malgache, dans son évolution, a parcouru trois périodes nettement définies.

Première période : sous les premiers rois Andrianampoinimerina, Radama I, Ranavalona I, jusqu’à Radama II.

Deuxième période : depuis Radama II, Rasoherina, Ranavalona II et Ranavalona III, jusqu’à l’extinction de la monarchie Hova.

Troisième période : depuis la pacification française jusqu’à nos jours.


Première période

La musique malgache sous les premiers rois

( 1800-1850 )

C’est à cette époque que l’on trouve la musique purement malgache. Elle se révèle simple et monotone, mais aussi religieuse :

C’est le reflet du culte et du respect qui attachent le peuple à ses maîtres et souverains élevés au rang de demi-dieux. Nous avons là une musique au rythme libre  dégagée de tout accident et qui, dans sa naïveté, n’a pour mobile que le calme et la piété : musique à l’état embryonnaire qui, n’ayant subi aucune influence étrangère, coule limpide et sereine pour exprimer tous les sentiments humains.

Les phrases finissent tantôt majeurs sur la tonique, tantôt mineures sur la 2e degré, tantôt majeures sur la 4e degré, enfin tantôt indécises sur la dominante et le sensible.

Nous n’hésitons pas, en dépit de l’opinion de certains auteurs, à affirmer que la musique malgache n’exclut pas le mode mineur. Sous le règne d’Andrianampoinimerina et de son fils Radama I, la tradition ne nous a pas léguées de chansons populaires; l’histoire nous en donne d’ailleurs la raison. Ces anciens grands rois, occupés à faire la guerre aux diverses tribus, n’avaient pas le loisir de favoriser le développement des arts ; leur but était l’extension de leur royaume et la mise en valeur de la terre. D’où cette conséquence naturelle : le peuple, terrorisé par des troubles continuels et absorbé par un travail matériel incessant, n’avait guère le temps de s’adonner à la musique. En effet pour cultiver cet art hérissé de difficultés et pour que l’inspiration s’épanouisse dans toute sa fraîcheur, il faut une atmosphère de calme et de sérénité.

Par bonheur, avec la paix qui régna dans les divers points de l’île pendant les premières années qui suivirent l’avènement de Ranavalona I, on vit l’éclosion de bon nombre de chansons que nous noterons au fur et à mesure de nos commentaires. La reine Ranavalona I, pour agrémenter sa Cour, subventionna deux illustres femmes : Raivomahatana et Rasoanotadiavina, ainsi que, peu après Raivodosy. Chanteuses de profession, elles avaient pour  mission de former les mpiantsa ou chanteuses royales dont le rôle consistait, dans toutes les fêtes et manifestations publiques, à chanter et danser en chœur au devant du cortège royal.

C’est à partir de cette époque que la musique malgache prit son véritable essor. La plupart des vieux airs répandus à travers la Grande île et  que les générations successives nous ont transmis font foi.


 Le peuple malgache, mettant à profit son élan naturel, se plut à composer, à improviser, à chanter et danser. Dès lors, fêtes, réunions de famille, événements joyeux et tristes  devinrent l’occasion de chants, à tel point qu’il est possible de dire : La musique pour le Malgache est à sa vie ce que l’eau est au riz. C’est une compagne fidèle, inséparable dans toutes les circonstances de la vie : joie dans les fêtes, consolation dans les détresses.

Hymnes royaux.

Nous avons pu recueillir quelques hymnes consacrés à l’exaltation royale, lors des manifestations publiques.

La reine Ranavalona I est assise sur son fastueux palanquin, à l’ombre d’un énorme parasol de velours écarlate ; elle écoute, ravie, les souhaits de longue vie entonnés par la coryphée à la voix forte et chaude, auquel répondent en duo    toutes les femmes qui rivalisent d’ardeur pour célébrer leur souveraine. Les mpiantsa au nombre d’une cinquantaine, sont vêtues d’une longue robe blanche, émaillée de rouge qui leur tombe jusqu’aux chevilles : la tête serrée dans un mouchoir rouge, la main droite agitant en cadence une écharpe en signe d’ovation, ces chanteuses royales, tout en esquissant un léger et gracieux mouvement de danse, répètent animato la mélodie inlassablement  reprise par le coryphée. Devant elle, un héraut souffle à perdre haleine dans une conque marine, cependant qu’une trentaine d’hommes, la tête enveloppée   d’une sorte de turban rouge et les reins ceints d’un énorme pagne de couleur rose, poussent par intervalle des cris gutturaux et bizarres et exécutent des danses qui n’ont rien à envier aux rumbas les plus modernes. Ranavalona I au début de son règne, était choyée par ses sujets qui ne manquaient pas une occasion pour la célébrer. Les chanteuses sont divisées en deux groupes ; le premier, appelées (chanteuses de droite) entonnent avec feu les deux premières mesures ; le second (chanteuses de gauche) lui répond en parties animées, et l’hymne recommence invariablement jusqu’à défaillance du coryphée. En dépit de sa rusticité, cet hymne, chanté par des voix de femmes avec la chaleur et la piété qu’il comporte, traduit à sa manière un je-ne-sais-quoi d’oriental, de doux et de suave. Tel autre hymne royal de cette époque se révèle déjà plus artistique. En effet, partant de la dominante, le coryphée va à la tonique, saute à nouveau joyeusement à la dominante, tandis que le chœur réparti en deux groupes lui répond dolce à la médiante et à la tonique, en effectuant une charmante incursion à la dominante.

Cet air d’une conception facile et chantante a servi de base à de nombreuses compositions malgaches postérieures, mais il ne peut être pleinement apprécié que dans son décor naturel .


Chansons d’enfance.

 Nous pourrions citer des centaines de chansons d’enfance, mais comme les mélodies, à peu de choses près, n’offrent que de légères variantes, nous nous bornerons à en signaler ici quatre seulement parmi les plus typiques. Elles se résolvent toutes à la tonique et à la dominante comme pour marquer l’innocence et la candeur.

Chanson enfantine dialogue entre deux groupes : le premier représente une bande joyeuse qui, à la vue d’un oiseau perché sur un grand arbre, lui pose cette question :  Qui est là-haut ?  La réponse est donnée par le second groupe qui est censé représenter l’oiseau.

La mélodie suivante offre plus d’intérêt, tout en étant plus brève que la précédente. Elle rappelle  à tout malgache de l’ancien temps le plus grand jour de l’année : le jour du Bain, anniversaire du roi ou de la reine.. A cette occasion solennelle, Sa Majesté faisait une large distribution de bœufs gras et de lambas  à tous ses sujets. La fête durait trois jours au cours desquels les familles s’invitaient à un grand festin. La joie et l’ivresse de cette manifestation patriotique ont inspiré cette chanson originale qui ne comporte d’ailleurs que quatre mesures

Et voici un autre chant dont le rythme syncopé et la mélodie au développent plus large nous transportent dans une atmosphère fraîche et candide. C’est une ronde enfantine.

Dans la case enfumée, devant le foyer où pétille le bozaka  ou paille sèche, vieillards et femmes âgées branlent le chef  en la fredonnant gravement devant leur fenêtre entrouverte. Dehors, comme invités par un beau clair de lune, garçons et fillettes, en cercle, les mains mollement agitées, comme les tiges d’un riz bien mûr que berce avec douceur la brise du soir, chantent cette ronde  con anima,  tandis qu’au loin semble mourir la voix plaintive des chiens. Cette mélodie, là encore, sera reprise jusqu’à la défaillance complète du chef de chœur.

La dernière chanson enfantine dont il sera question ici ne le cède en rien aux trois premières. Caractérisée par une série de tierces majeures au premier motif et par l’accord de Fa majeur au quatrième degré, suivi sans préparation de celui de Sol majeur  à la dominante, elle ne laissera pas de piquer la curiosité de nos lecteurs. L’andante quasi largo  de cette mélodie réclame une exécution calme et expressive, et c’est toute l’âme malgache qui s’émeut à l’entendre.


Chansons populaires.

On pourrait dire que nous nous trouvons, cette fois, en présence d’une confidente anonyme de toutes les pensées intimes que le langage humain est incapable d’exprimer, s’il faut en croire Vinet : joie, bonheur, tristesse, chagrin, espoir,  lassitude les chansons populaires embrassent l’humanité tout entière du berceau à la tombe.

Voici, par exemple, une ancienne mélopée, finissant l’accord de dominante, que l’on chante à l’occasion d’une circoncision.

Il est facile de discerner dans cet air trois qualités en opposition :

Invocation suppliante de toutes les femmes à la Divinité (religiosamente) ;

Craintes et pleurs à l’approche du sang qui va être versé pour la première fois ;

Joie, pourtant, dans la perspective que l’enfant circoncis deviendra plus tard un homme valeureux.

Hymnes et idoles.

Les vieux malgaches invoquaient et adoraient des idoles ; ils composèrent en leur honneur de nombreux hymnes. Dans l’un d’eux, en l’honneur de l’idole Ramahavaly, on relèvera, outre les accords majeurs de Do, l’accord de triton et celui de sensible.

Un autre air populaire ne manque pas non plus d’attrait en raison de la 7° majeur de la deuxième mesure, de l’accord de Fa  très rapide qui se résout sur la sensible, à la dominante  et de nouveau sans préparation à la quarte.

Et voici maintenant des chansons de soldat. En quittant le sol natal,  les larmes aux yeux mais le cœur tranquille les guerriers recommandent à leur famille d’apporter tous les effets de voyage qu’ils énumèrent con anima  dans leur chant :  Apportez nos provisions, nos tabacs ; nous disons adieu à nos parents et à tous nos amis. Adieu donc chers parents et chers amis. Lorsque les soldats étaient en campagne dans une contrée lointaine, leurs pensées s’envolaient vers leur pays ; ils revoient leur case au toit de  bozaka  et la rizière où viennent jouer les fody (petits oiseaux rouges) ; ils évoquaient   les beaux ciels bleus où, dans la brume de la nuit montante, volent les  vorompotsy et les sarcelles. De leurs lèvres sortaient alors comme un souffle, la chanson que voici : L’aurore luit chez nous, réjouissons-nous en nous séparant…

 


Ainsi la musique de cette première période, en dépit de sa pauvreté harmonique et de son développement trop court, est-elle riche d’originalité. Mais il est permis de regretter sincèrement la rapidité avec laquelle les Malgaches, musiciens doués, ont sacrifié le charme de cette inspiration tout indigène à l’influence étrangère.

Et voici maintenant des chansons de soldat. En quittant le sol natal,  les larmes aux yeux mais le cœur tranquille les guerriers recommandent à leur famille d’apporter tous les effets de voyage qu’ils énumèrent con anima  dans leur chant : « Oay lahay ê! »: Apportez nos provisions, nos tabacs ; nous disons adieu à nos parents et à tous nos amis. Adieu donc chers parents et chers amis.

Lorsque les soldats étaient en campagne dans une contrée lointaine, leurs pensées s’envolaient vers leur pays ; ils revoient leur case au toit de  bozaka  et la rizière où viennent jouer les fody (petits oiseaux rouges) ; ils évoquaient   les beaux ciels bleus où, dans la brume de la nuit montante, volent les  vorompotsy et les sarcelles. De leurs lèvres sortaient alors comme un souffle, la chanson que voici :  « Mazava atsinanana »: L’aurore luit chez nous, réjouissons-nous en nous séparant…

 

Deuxième période

De Radama II à l’extinction de la monarchie Hova

( 1850-1895 )

Après s’être très vite répandus dans l’île entière au cours de la période précédente, ces airs et ces chansons furent, par la suite, plus ou moins dénaturés ou abandonnés dans l’Imerina. La reine Ranavalona I en fut la cause. En effet, après quelques années de calme, elle devint sanguinaire et persécuta ceux de ses sujets   qui ne voulurent pas suivre les pratiques de la religion ancestrale. L’effroi puis la terreur qui s’emparèrent alors du peuple étouffèrent le germe de toute inspiration musicale.

Mais malheureusement, à la mort de cette souveraine et à l’avènement de Radama II, la musique revit le jour et connut un nouvel essor. Sous quelle forme ? C’est ce que nous apprendra la seconde période.

La musique véritablement malgache, cette anonyme et fidèle confidente des émotions religieuses et profanes de nos ancêtres dont nous venons de donner un aperçu, disparut peu à peu et prit une nouvelle forme.

Deux facteurs primordiaux ont contribué à cette évolution vers une musique métissée   : l’influence européenne et de Radama II.

Le Malgache, plus que tout autre peuple et par cette faculté même d’imitation et d’assimilation qui se révèle comme l’un de ses caractères les plus dominants, ne tarda pas à accueillir avec enthousiasme l’inspiration toute nouvelle pour lui, des Vazaha (étrangers). D’autre part la nature frivole de Radama II, loin de favoriser le rayonnement de la musique ancestrale, contribua à la rendre légère, insouciante et lascive, et ne fit que la plonger dans un abîme d’où elle ne sortira que péniblement grâce aux revirements des générations futures.

 L’influence européenne.       

Laborde et Lambert, avec quelques missionnaires catholiques et protestants, furent en relation constante et amicale avec Radama II qui les appelait en termes affectueux ses Ray-aman-dreny, C’est à dire ses pères et mères. De leur côté, flattés d’une telle confiance, les Européens mirent au service du roi tous leurs talents et toutes leurs capacités ingénieuses.

On rapporte que Laborde et le R.P Finaz, ayant remarqué la passion de Radama II  pour la musique, lui firent don d’un piano Pleyel  - c’était alors le premier à être importé à Madagascar- et lui apprirent à en jouer. Radama s’adonna avec ardeur à l’étude de cet instrument, cependant que les gens de son entourage, en bons courtisans, l’acclament et cherchaient à l’imiter.

Les étrangers s’aperçurent bientôt des aptitudes musicales des malgaches et en profitèrent pour répandre une foule de chansonnettes populaires européennes que les habitants de la Grande Île   adoptèrent très vite. L’influence européenne se fit également sentir sur la musique religieuse qui s’épanouit sous les reines qui succédèrent à Radama II. Et c’est ainsi que la plupart des cantiques religieux qui se chantent encore de nos jours chez les catholiques comme chez les protestants, tirent leur origine de cette époque.

De tout ceci, le résultat fut la naissance de rythmes et de mélodies plus développés, plus étoffés et plus symétriques. Ce sont là, il faut le reconnaître, des qualités appréciables. Qu’il nous soit permis  de regretter cependant que ces bons vazaha aient inculqués aux malgaches musiciens de ce temps-là des principes faciles, trop faciles même, au lieu de les initier à l’école de nos immortels classiques : Haydn, Mozart, Beethoven etc.… Mais peut-être aussi, ces artistes-professeurs d’occasion ne donnèrent-ils que ce qu’ils possédaient et connaissaient eux-mêmes.

L’influence de Radama II.

L’autre facteur non moins important de l’évolution musicale de cette seconde période   fut le caractère de Radama II. L’histoire nous apprend que ce roi était léger, libertin et même, disons le mot, dévergondé. Il aimait passionnément la musique, la danse et les amusements ; tout ce qui était nouveau le fascinait littéralement.

Les deux influences que nous venons de mentionner se combinèrent pour donner à la musique malgache des premiers temps une technique plus carrée et une inspiration plus libre ; de multiples exemples pourraient être apportés ici à l’appui de nos dires.

A tout seigneur, tout honneur : parlons donc des mélodies attribuées à Radama II. En effet, après quelques leçons de piano, le roi se mit à composer ; il est aisé de constater la facilité avec laquelle il s’assimila  le goût étranger, sans pour autant d’ailleurs exclure le sien propre. Mais comme nous sommes loin de la musique de la première période ! Dans telle de ces compositions, par exemple, le premier motif comporte six mesures, le second quatre : structure d’allure classique ; ce n’est plus la mélopée:  la monotonie tourna ici à la lascivité.

Une autre romance, également attribuée à Radama II, est manifestement d’inspiration anglaise et s’appelle tantôt Mokatejy,  déformation de My cottage, tantôt Rahodra, de My wood.

 


Cette mélodie fut, paraît-il, composée par le roi lors d’une promenade faite avec ses amis et ses favorites sur les rives du lac de Tsimbazaza, aujourd’hui transformé en jardin d’acclimatation. Pour accompagner sa chanson, le souverain avait une valiha,  instrument de musique d’origine malgache dont nous aurons à parler à la fin de notre étude.

Langoureux et lascif, voilà le style caractéristique de Radama II ; il connut une vogue extraordinaire et conquit tous les compositeurs de cette époque. De nos jours encore, les musiciens malgaches évoquent sur leur piano ou sur leur violon le souvenir de cet ancien temps en exécutant, non sans émotion, ses airs si fortement passionnés.

Il est d’autres airs où l’enfantillage, l’inconstance, l’insouciance y sont manifestement dépeints. On peut dire qu’ils ont été retenus et chantés au moins une fois par l’île toute entière. Telles ces mélodies-demande: Avez-vous vu ma Raketaka ?

Telle autre chanson composée par des ouvriers, dit-on, traduit le découragement de ces hommes : lassés par un travail pénible   auquel ils n’étaient pas accoutumés, les ouvriers se mirent en grève et réclamèrent à leur patron le salaire qui leur était dû :  Ravaza, payez mon argent, car j’en ai assez de travailler pour vous…

Mais nous n’en finirions pas si nous voulions rappeler ici les airs populaires à la manière de Radama II.

Catholiques et protestants unissent leurs efforts.

Sous les trois reines qui succédèrent à Radama II, la musique devint un peu plus sérieuse, du fait que ce fut surtout la musique religieuse qui se répandit alors.

Rasoherina, qui reçut le baptême sous l’influence de Laborde, mourut catholique ; Ranavalona II et Ranavalona III embrassèrent la religion protestante. Les missionnaires catholiques et protestants unirent leurs efforts pour réagir contre les tendances des Malgaches à trop de frivolité ; ils composèrent des cantiques appropriés à leurs goûts, mais empreints d’une certaine respectabilité. Le cadre restreint de cet article  nous interdit de publier ici quelques exemples. Signalons   seulement que ces cantiques se chantaient à 2, 3 et 4 voix mixtes et que leurs rythmes et mélodies devaient être abondamment pourvus de tierces, de sixtes et de basses chantantes, fort en honneur chez les Malgaches. Notons enfin que la musique religieuse gagna surtout la faveur du peuple sous le règne de Ranavalona II.

Cette reine protestante, aima la religion nouvelle qu’elle pratiqua ostensiblement ; elle se rendait tous les soirs, pour prier, à Tranovola .

 


Trois groupes de chanteurs dirigés par trois chefs réputés, exécutaient chaque soir, à tour de rôle, des cantiques pieux suivis de sermons. La prière se terminait par un hymne demandant à Dieu de conserver la reine.

Le peuple malgache, suivant l’exemple donné  par leur souveraine devint plus religieux, et la musique populaire, en subissant cette même influence, acquit plus de pondération.

Les Mpilalao

La musique populaire, pendant cette deuxième période, pris un essor considérable grâce surtout aux mpilalao.

Les mpilalao sont composés  un orchestre comprenant trois ou quatre violons, un tambour, une grosse caisse, et d'un groupe de malgache des deux sexes à la fois danseurs les chanteurs les danseurs sont habillés de longue robe aux couleurs voyantes, rouge ou mauves, aux manches larges couvertes de galons et de broderie ; ils sont coiffés : chapeau de paille souple à larges bords.

La séance s’ouvre par un grand Kabary (discours) du chef ; celui-ci, après s'être présenté en termes pompeux qu'il fait accompagner de force gestes et contorsion, sollicite la bienveillance du public, puis il résume dans une harangue émaillée de proverbe le sujet que chant danse vont développer. À cette allocution succède un roulement de tambour. Le chef fait un grand geste et l'orchestre entame aussitôt le prélude : pendant ce temps, danseurs et danseuses, ayant serré leur lamba autour des reins, défilent devant les spectateurs en s'efforçant de rendre leur pas solennel, puis ils forment un cercle. Le coryphée entonne alors le chant ; les danseurs y répondent en chœur en deux ou trois parties.

Après les chants, les danses. Les hommes débutent. Leurs pas lents et majestueux, tout d'abord, se précipite jusqu'à donner l'impression d'un véritable délire. Les mains sont agitées horizontalement d'un tremblement nerveux s'harmonise au battement des bords souples de leur chapeau. Pendant ce temps, les femmes battent des mains et l'esquisse de la tête, des épaules et des pieds d'un léger mouvement de danse. Aux danseurs succèdent les danseurs dont les mouvements ont plus de grâce.

Toute fête publique ou privée ne saurait se passer du concours des mpilalao, mais il n'est possible de vraiment les apprécier que dans leur cadre et de leur atmosphère particulière, au milieu d'une cohue multicolore qui leur prodiguent hurlements et applaudissements.

Le Famadihana

La fête du famadihana ou retournement des morts, est une fête éminemment et spécifiquement malgache. C'est pour les mpilalao l'occasion de rivaliser de maîtrise devant les connaisseurs. Le Malgache à un culte des ancêtres poussés au suprême degré. Aussi est-ce une tâche qui s'impose à tous sans distinction de rang ou de fortune que de célébrer leurs morts enterrés depuis un certain temps, et ce, avec la plus grande pompe possible. Le famadihana cérémonie du retournement des morts qui accompagnent souvent un changement de tombeau -a lieu, comme pour la circoncision, en hiver et dure plusieurs jours.

La veille au soir, les proches parents vont au tombeau ; là, se tournant vers les quatre points cardinaux, le doyen évoque le ou les morts et les préviennent que, le lendemain, ils seront transportés dans une sépulture meilleure. De bonheur, le jour suivant, les invités arrivent, vêtues de leurs plus beaux atours, puis le cortège se forme. Viennent d'abord les esclaves qui chantent à tue-tête, les mpilalao dont les roulements de tambour se répercutent dans les vallées noyées de brume, ensuite les parents portés à dos d'esclaves. L'un d’eux revêt fièrement et en dansant le  lambamena qui doit envelopper les dépouilles mortelles. Enfin, les invités en filanjàna (palanquin ou portage à bras) terminent le cortège. Celui-ci ondule lentement au milieu des nuages de poussière rouge soulevée par la brise matinale qui balaye les sommets des mamelons. Il convient de signaler, en effet, que le tombeau ne doit s'ouvrir avec les premiers rayons du jour. Enfin on arrive. Vers l'Est, le ciel commence à rougir. Un long moment de silence entrecoupé de sanglots et de pleurs s'étend sur la foule. Chacun évoque ses ancêtres. Puis, les parents pénètrent dans le tombeau, envelopper les cadavres, des revers de nattes neuves et de lamba blancs et les portent dehors à bout de bras où ils sont accueillis par des clameurs. Le doyen d'âge, debout au sommet du tombeau au moment où l'on n'en sort chaque défunt, crie : Qui va là ? et de l’intérieur une voix répond par le nom du mort que l’on vient d’extraire de son sépulcre. Alors, chants et musiques éclatent pendant que l’on promène le cadavre au-dessus des têtes, jusqu’à une tente sous laquelle il doit passer la nuit et où on le recouvre de riches  lambamena. La cérémonie recommence ainsi pour tous les autres habitants du tombeau.

Détail curieux : il est interdit à ceux qui ont touché les cadavres de se laver les mains avant d’avoir mangé et de s’être gorgés de toaka (rhum). De nombreux bœufs ont été abattus pour les repas pantagruéliques qui dureront toute la journée et toute la nuit. Des dames-jeannes entières de rhum seront aussi vidées…

Alors, entrent en lice les  mpilalao  soigneusement gavés et grisés. Leurs différents groupes font assaut de brio. Les roulements de tambours , les battements des mains, les hurlements des spectateurs et les cris perçants des enfants qui se battent dans la poussière donnent une impression étourdissante qui nécessite, pour la supporter, un long entraînement incompatible avec le tempérament des Européens qui ne penseraient qu’à fuir cette bacchanale au bout d’un quart d’heure à peine.

A l’aube du troisième jour, les parents des morts se remettent à pleure aidés un peu en cela par l’ivresse. Puis, on transporte les cadavres vers leur dernière demeure.

Ce nouveau lieu de sépulture ne doit pas être atteint directement : on fait, au contraire, de nombreux détours, ce qui aura pour résultat, dans l’esprit des naturels, de retarder aussi longtemps que possible l’heure de la mort. Après y être enfin parvenus, les cadavres sont à nouveau promenés à bout de bras trois fois autour du tombeau, au milieu des clameurs joyeuses, puis les dépouilles sont déposées à l’intérieur et la pierre d’entrée est scellée.

La natte neuve et le  lamba  blanc qui ont été mis de côté, sont vivement disputés : celui ou celle qui s’en saisira sera fortuné toute la vie ; veuf, il aura bientôt une compagne qui fera son bonheur : stérile, la femme sera bientôt mère ; pauvre, il deviendra riche sans tarde

La musique et les danses de recommencer alors furioso.  Finalement au milieu d’un silence recueilli, un orateur, choisi parmi les plus habiles, monte au sommet du tombeau, fait l’éloge des morts, vante les actions d’éclat qui ont illustré leur vie. A l’issue de ce kabary  l’assistance se retire sans plus de manifestation.

Disposition naturelle pour l’imitation.

L’examen de la deuxième période nous laisse une double impression : de regret, d’abord, de progrès ensuite. Une impression de regret parce que les Malgaches, avec leurs dispositions naturelles pour l’imitation, ne pouvaient qu’accueillir avec empressement tout ce qui devait, en les étonnant par sa nouveauté, leur fournir des thèmes différents de ceux qu’ils avaient traités jusqu’alors. Il en résulte une plus grande légèreté qu’encouragent la frivolité et la mollesse si caractéristiques de cette époque.

Mais on constate aussi un progrès. Grâce aux premiers pionniers missionnaires catholiques et protestants, il y eut un apport de civilisation dans le pays. La technique musicale, de simple qu’elle était à l’origine, est devenue plus complexe, plus variée, le rythme plus classique et plus symétrique.

 


Troisième période

De la pacification française à 1950

Cette période qui commence avec l’arrivée des troupes françaises, en 1895, nous amène à parler brièvement des trois éléments inséparables de la musique, à savoir : les voix malgaches, les instruments de musique et la danse autochtone.

Nous n’avons plus à étudier la musique : comme dans la deuxième période, elle a suivi chaque jour davantage l’influence des musiques étrangères, ce qui fut plus ou moins heureux. Notons cependant qu’en dépit de tant de progrès réalisés dans toutes les branches de la civilisation et malgré cette évolution progressive qui a vraiment porté atteinte à la musique malgache proprement dite depuis quelque cinquante ans, il n’est point de malgache encore aujourd’hui dont le sang ne bouillonne et qui ne se sente rempli d’une profonde émotion en écoutant quelques airs d’antan    heureusement conservés et que l’on chante encore dans les grandes circonstances. Hélas, ces chansons populaires, ces mélodies ne sont plus légion : elles aussi subissent l’outrage du temps et deviennent peu à peu de véritables objets de musée.

La jeunesse malgache avec son tempérament naturellement curieux et avide de nouveautés, cette jeunesse toujours changeante et toujours volage, surtout que le jazz a fait son apparition dans les grandes villes, semble méconnaître, sinon mépriser les trésors musicaux légués par les ancêtres : Ce ne sont là, dit-elle, que de vieux airs démodés, indignes de figurer dans notre répertoire moderne. Laissons ces stupidités aux campagnards et faisons mieux en composant selon notre goût civilisé.

C’est alors que bien de musiciens ayant pour tout  bagage un brin de solfège, un tantinet d’harmonie, quelques doigts maladroitement exercés et, surtout des inspirations incohérentes, se livrent à cœur joie à l’improvisation. Qu’y voyons-nous ? Des airs prétendus malgaches avec des broderies de tierces et sixtes, des saccades de basse faisant avec les parties supérieures des octaves et des quintes prohibées ; des mélodies attifées de toute sorte de réminiscences étrangères : américaine, hawaïenne, espagnole etc… Il semblerait que l’âme musicale de ces races étrangères vienne par-delà l’Océan frapper l’inspiration malgache.

Faisons exception, toutefois, en faveur de notre regretté Naka Rabemanantsoa trop tôt enlevé à notre affection. De ses compositions jaillissaient des sentiments purement hova,  mais combien remarquables par leur originalité. L’Auditorium de Tananarive possède la plupart de ses disques qui sont, d’ailleurs, fort appréciés des Malgaches.

Ceci dit, et malgré la note pessimiste que nous n’avons pas pu nous empêcher de faire entendre tout à l’heure, nous conservons notre confiance. C’est qu’il y a toujours la France, notre seconde mère. Cette France qui n’est pas venue ici en nation de proie, mais en nation protectrice, n’a jamais cessé de prodiguer ses efforts pour combattre et juguler le mal d’où qu’il vienne. Elle a ouvert, voici deux ans, au Théâtre de Tananarive, une Ecole de musique sous la direction de maîtres spécialisés : plus de deux cents élèves en tirent le plus fructueux profit et nous espérons que dans dix ans, Madagascar aussi enverra dans le monde de véritables musiciens dignes de ce nom et de leur art.

Les Voix.

La nature semble avoir été partiale envers les Malgaches pour la répartition des voix. D’une façon générale, le timbre de ce peuple est plutôt vulgaire. Au lieu de ces basses sonores qui font vibrer les cœurs, nous n’avons que des barytons légers et mesquins ou des basses maigres. Au lieu de ces ténors qui montent jusqu’au La, il faut s’estimer heureux de trouver des voix intermédiaires entre baryton léger et second ténor, mais ternes et flasques, qui montent difficilement jusqu’au Mi et plus péniblement encore jusqu’au Fa.  Au lieu de ces soprani pleins, limpides et cristallins que nous admirons dans les cathédrales françaises et qui perlent jusqu’au Si,  vous n’entendrez chez les Malgaches que des soprani aigrelets qui peinent pour atteindre le  Mi. Les voix intermédiaires, comme l’alto ou le contralto, n’existent pas en fait ou bien sont toujours creuses.

En résumé, les véritables solistes manquent totalement à Madagascar. A quoi attribuer cette pauvreté vocale ? Sans doute à diverses causes que nous ne sommes pas en mesure de connaître ; toujours est-il que le climat, l’alimentation et la constitution physique de notre peuple y jouent un rôle prépondérant.

Les malgaches ignorent aussi, du moins jusqu’à présent, les différentes  ressources de nuances qu’offrent les voix de fausset et de tête. Les femmes, comme les garçons et les fillettes, s’imaginent chanter à merveille quand ils crient à force du nez : l’effet dans un chant est désastreux.

Soulignons cependant qu’il est possible avec une formation artistique dont les Malgaches sont heureusement capables, de remédier à ces inconvénients. Dans les fêtes religieuses, ces voix, avec le concours des grandes orgues des cathédrales, offrent des effets magnifiques. Car on ne peut dénier aux malgaches qu’ils aient la voix juste. Et c’est déjà une consolation et une promesse pleine de possibilités.


Les instruments de musique

Les instruments d’origine malgache étant d’un nombre fort restreints, il nous sera facile de les passer tous en revue.

Instruments à vent :

 la sodina et la conque marine

La sodina 

La sodina  fut toujours un instrument répandu dans toute l’île, mais surtout en honneur chez les betsileos  et les Sakalava. Elle consiste en un roseau, long environ de 30 à 40 centimètres, ouvert aux deux extrémités et percé de huit trous qui correspondent aux huit notes de la gamme. Cet instrument diffère de la flûte européenne en ce qu’il n’a pas de trou latéral formant embouchure et qu’il est ouvert aux deux bouts.

Pour en jouer, l’artiste gonfle sa joue gauche, entoure presque entièrement de ses lèvres un bout du tuyau pour ne laisser à découvert qu’un tout petit intervalle par où pénètre  le souffle. Le joueur de sodina  obtient toujours auprès des européens un succès de fou rire autant par la bizarrerie des sons qu’il tire de son bambou que par la déformation de son visage.

La conque marine.

C’est tout simplement un gros coquillage percé à un bout. C’est un instrument fort en vogue, mais qui peut également remplir l’office d’une cloche afin de donner l’alarme en cas d’incendie ou d’inondations, par exemple.

Le son rauque et lugubre qui sort de cette conque marine, s’entend de très loin. Prolongé, il annonce un événement heureux ; court et précipité, une calamité.


II-        Instruments à cordes :

Le lokanga voatavo et le valiha .

Le lokanga voatavo.

C’est le violon malgache : il se compose de trois cordes, en raphia, fortement roulées et fixées aux deux bouts d’une planchette de 2 centimètres de large sur 40 à 45 de long. L’une des extrémités de la planchette porte une moitié de calebasse bien séchée servant de caisse de résonance.

A vide, les trois cordes donnent la dominante comme basse et comme médium la tonique et la médiante. Pour obtenir des notes intermédiaires, il faut appuyer les doigts de la main gauche sur les cordes ; il n’existe pas d’archet, le  lokanga voatavo  se jouant exclusivement  pizzicato  avec la main droite.

Ce n’est évidemment pas un instrument parfait, loin de là, mais le récit pittoresque que le joueur de lokanga voatavo chante en s’accompagnant, lui valent auprès des auditeurs de francs succès.

La valiha

La valiha est aux malgaches ce qu’est la guitare aux espagnols ou la mandoline aux italiens. C’est l’instrument malgache le plus répandu. Il consiste en un  gros bambou qu’il faut aller chercher très loin dans les grandes forêts. Il a généralement 5 à 8 centimètres de diamètre et 1 mètre 20 à 1 mètre cinquante de long. Les nœuds doivent être distants de 40 à 60 centimètres pour former la table d’harmonie. Les deux cloisons intérieures, conservées à cet effet, arrêtent les fibres espacées d’un centimètre environ que l’on incise au couteau dans le sens le sens de la longueur. Ces fibres seront les cordes qui devront vibrer : elles sont retenues par une liane (vahy) fine mais très solide, enroulées cinq à six fois aux deux extrémités.

Pour obtenir l’échelle musicale, des morceaux de citrouille secs servent de chevalets mobiles. De cette façon, l’accord de l’instrument est facile. La plus longue corde se trouve au centre et donne le Sol, basse dominante ; à droite de cette note  sont disposées les notes suivantes : Do, Mi, Sol, Si, Mi, Fa, La, Do ; à gauche : Ré, Fa, La, Do, Ré, Sol. Une petite fente longitudinale a été pratiquée exactement sur Sol grave pour faire communiquer à tout l’instrument les vibrations de cordes. La valiha doit se jouer appuyée sur une malle vide ou sur une caisse pour amplifier le son naturellement faible et grêle. De nos jours, bien de malgaches substituent aux fibres de bambous des cordes de mandoline ou de guitare ; certains même sont arrivés à fabriquer une sorte de cithare dont la sonorité est évidemment supérieure à celle de la valiha.


Instruments à percussions : le lamako, le langorôny et l’ampongabe

Le lamako .

Il s’agit de mâchoires séchées de bœuf qui, frappées l’une contre l’autre, produisaient un bruit rauque qui s’entendait de très loin. Les veilleurs de nui de la reine s’en servaient pour accompagner en douceur leurs chants, pendant que tout dormait autour d’eux.

Le  lamako qui ne peut être vraiment considéré comme un instrument de musique, n’est plus du tout utilisé de nos jours Le langorôny et l’ampongabe .Le tambour ou Langorôny, et la grosse caisse ou ampongabe, se font de la même manière qu’en Europe, mais beaucoup plus grossièrement. La peau utilisée dans leur fabrication est celle du mouton ou de la chèvre Langorôny et ampongabe sont employés dans toutes presque toutes les fêtes où ils jouent un rôle fort apprécié.


Instruments à vent et à cordes.

Leurs instruments de musique étant pauvres et primitifs, les Malgaches adoptèrent très vite ceux des Européens. Les instruments à vent et à cordes furent importés par le Premier ministre  Rainilaiarivony ; les cornets à piston et les clarinettes au timbre éclatant ont, depuis lors, la faveur des habitants de la Grande Ile

L’organisation des fanfares militaires dans la plupart des villes importantes a procuré d’agréables concerts artistiques. Signalons que, dès 1900, la fanfare du Gouvernement Général obtint, lors de l’Exposition de Paris, un brillant succès auprès du public européen.

A Tananarive, une société de musiciens amateurs, La Société Philharmonique, a souvent réuni ses membres européens et indigènes pour préparer et donner des concerts d’une très réelle valeur.

Il est inutile de préciser l’engouement de la jeunesse malgache pour tous les airs de danse modernes, et que les autres favoris de bien des instruments malgaches sont espagnols, italiens, hawaïens et américains.

Certes, les Malgaches ont beaucoup de facilité et de dispositions, mais il manque à la plupart d’entre eux cet esprit de suite dans le travail qui, seul, permet de devenir un véritable virtuose.

Lorsqu’ils entreprennent l’étude d’un instrument, ils se lassent assez rapidement des difficultés qu’elle comporte et, plutôt que de persévérer pour approfondir, ils se contentent d’un à-peu-près qui, d’ailleurs, leur semble être la perfection même.

Si tel est l’état d’esprit des musiciens malgaches, il nous est cependant agréable de constater qu’une élite est parvenue, grâce justement à une volonté soutenue, à atteindre une classe supérieure. Madagascar peut ainsi s’enorgueillir de quelques véritables artistes qui obtinrent de grands succès en France. Pour ne citer que le plus renommé d’entre eux, nous rappellerons simplement le nom de Gilbert Raony Lalao, de douce mémoire, qui remporta le second Prix de flûte au Conservatoire de Paris.

 Les Danses.

C’est peut-être dans cet élément que nous découvrons le plus de changements. La danse a évolué en même temps que la musique  et dans le même sens, mais plus profondément encore. Au cours de cette troisième période, les Malgaches ont vite abandonné leurs danses nationales. L’élite de la population, simultanément à son adoption des mœurs et coutumes européennes, s’engouait des danses modernes ; et de nos jours  il n’est point d’élégantes Malgaches qui ne soient familiarisées avec les différentes figures du  jour. Seul, le peuple a encore conservé le culte des  mpilalao ; mais il est à craindre que ceux-ci ne disparaissent à leur tour

 

.On ne peut que souhaiter ardemment de ne pas voir tous les Malgaches abandonner à jamais leurs danses pittoresques, leur musique  si couleur locale  et leurs chants folkloriques et que, parmi les habitants de la Grande île, il s’en trouve encore quelques-uns pour vouloir sauvegarder ainsi une parcelle de leur originalité, de leur charme et, aussi du patrimoine artistique de leurs ancêtres.